Mais qui veut la peau de la Génération Y?
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Mais qui veut la peau de la Génération Y?

Catégorie: Starters

«Ils sont insolents, individualistes, instables, incultes, …». Les clichés sur la génération Y (les jeunes de 18-30 ans) ne cessent de pleuvoir de toutes parts. C'est donc pour lutter contre ceux-ci que Julia Tissier (27 ans) et Myriam Levain (29 ans) ont décidé de prendre la plume et de rétablir la vérité sur les jeunes. Dans La génération Y par elle-même, elles dressent le portrait de la jeunesse actuelle. Rencontre avec Julia Tissier à l'occasion de la sortie de ce livre.


 
GUIDO: Quelle motivation principale vous a poussées toutes les deux à écrire un livre sur votre génération?
Julia Tissier
: On travaille toutes les deux dans un magazine féminin français qui s'adresse aux 18-30 ans. Notre boulot est donc d'observer les phénomènes de société. Et ce que nous lisions sur les jeunes, dans le cadre de nos enquêtes, était souvent en décalage avec ce que l'on pouvait ressentir nous-mêmes. L'idée était donc de lancer un pavé dans la mare, de rétablir la vérité et de donner une vision positive de la jeunesse.
 
GUIDO: C'est pour cette raison que vous avez divisé ce livre en douze chapitres, chacun égrainant une idée reçue sur les jeunes?
Julia Tissier
: On a rassemblé toutes ces idées reçues et on a remarqué que c'était souvent les mêmes qui revenaient. L'idée était de les démonter, grâce à une enquête journalistique. On a en quelque sorte la double casquette: journalistes d'un côté et témoin privilégié de l'autre. C'est là un parti-pris totalement assumé.
 
«Déjà Socrate traitait les jeunes de fainéants!»
 
GUIDO: Notre jeunesse n'est-elle pas davantage décriée que les précédentes?
Julia Tissier
: Pas spécialement. Déjà Socrate traitait les jeunes de fainéants. ça remonte donc à loin! La critique des jeunes générations a toujours existé. On a toujours entendu que les jeunes étaient fainéants, que les jeunes se défonçaient la tête, … On leur a toujours trouvé les pires maux de la terre.
 
GUIDO: Notre génération a été fortement marquée par l'arrivée d'Internet, l'invasion des réseaux sociaux, …
Julia Tissier
: Internet a révolutionné tous les domaines de la société. On est la première génération à avoir grandi avec ça, à le maitriser intuitivement. C'est peut-être pour cette raison que l'on fait davantage peur que les autres générations, notamment dans le milieu du travail. On arrive, par exemple, avec des compétences liées au web que nos aînés n'ont pas. Ce qui bouleverse la hiérarchie dans l'entreprise et effraie les patrons.
 
GUIDO: Le personnage typique de la Génération Y est l'antihéros de la série Bref
Julia Tissier
: Il faut bien évidemment faire attention à ne pas généraliser; il n'y a pas qu'une seule jeunesse hétérogène. Mais il est vrai que Kyan Khojandi (l'acteur de Bref) est une véritable icône pour notre génération. Certains pourraient croire que c'est un loser, que sa vie est pourrie. Et pourtant, sa vie fait écho à tous les jeunes de notre génération, c'est pour cette raison que cette série marche autant pour le moment.
 
GUIDO: Dans le livre, vous montrez que, s'ils s'engagent moins politiquement, les jeunes le font davantage au niveau social et écologique…
Julia Tissier
: La vie est aujourd'hui plus compliquée et on évolue dans un monde précaire. La quête de sens et l'épanouissement personnel sont donc au centre des préoccupations de cette génération. Au niveau politique, les jeunes votent (ndlr: le vote n'est pas obligatoire en France) quand il y a un enjeu important.
 
GUIDO: On arrive à la fin de la campagne présidentielle française. Celle-ci a-t-elle passionné les 18-30 ans?
Julia Tissier
: Je pense que les jeunes ont eu du mal à se retrouver parmi les candidats qu'on leur a proposé. François Hollande, par exemple, avait décidé de mettre les jeunes au centre de sa campagne. Et pourtant, aujourd'hui, en plein cœur de la campagne, c'est le black-out total, avec pas un seul mot sur le sujet lors des différents débats. Et la réaction habituelle des jeunes à cet égard est soit l'abstention, soit le vote contestataire. Il faut vraiment faire attention à cela.
 
«Le jeune veut prendre son pied en bossant»
 
GUIDO: Une autre de vos constatations est la suivante: dans le monde du travail, les jeunes sont davantage intéressés par un job où ils se sentent bien que par un job grassement payé.
Julia Tissier
: En général, les jeunes ont tellement galéré avant de trouver un boulot que ce qui leur importe dans leur carrière n'est pas spécialement de gagner plein de fric, mais plutôt un certain épanouissement au travail. On n'est pas forcément motivés par un gros salaire parce qu'on sait pertinemment qu'on ne sera jamais millionnaires! On veut plutôt prendre son pied en bossant. On va travailler toute sa vie et si c'est pour le faire à reculons, autant arrêter tout de suite et chercher autre chose, ce qui est inconcevable pour nos parents qui ont fait toute leur carrière au même endroit. La loyauté qui existait auparavant pour son entreprise n'existe plus aujourd'hui. On n'est évidemment pas dupes de la réalité de l'entreprise, parce qu'on a vu notamment des gens de notre entourage se faire virer comme des malpropres après trente ans de fidélité à la même boite. Si on trouve un job ailleurs (même moins bien payé), on s'en va sans se retourner, parce qu'on sait pertinemment que ce sera la même chose du côté de l'entreprise.
 
GUIDO: Quels conseils donneriez-vous aux étudiants qui vont dans quelques années se lancer sur le marché de l'emploi?
Julia Tissier
: Il ne faut bien évidemment pas zapper les études théoriques, loin de là, mais à un moment, il faut passer à la pratique. Et si possible ne pas enchaîner les stages. Même si c'est parfois difficile, car on préfère être en stage plutôt que de ne rien faire chez soi. Il existe des tas de formations pratiques, de contrats de professionnalisation intéressants pour les jeunes. Cela permet de s'insérer petit à petit dans le milieu professionnel, de tâter le monde du travail, de se constituer un réseau, de commencer à gagner sa vie, de parfaire sa formation, …
 
GUIDO: Dans une société en crise, les jeunes entrepreneurs sont-ils encore nombreux à monter leur propre entreprise?
Julia Tissier
: Je pense qu'il y en a de plus en plus. Du fait de cette précarité grandissante, les jeunes ont développé une plus grande combativité. Si on trouvait directement un CDI, on le garderait et on y resterait le plus longtemps possible. Mais, cette situation se présente rarement aux 18-30 ans qui enchaînent stages, CDD et chômage. Ils sont alors plus nombreux à monter leur propre boite.
 
GUIDO: Dans votre conclusion, vous parlez de la prochaine génération, les Z. Doit-on en avoir peur?
Julia Tissier
: (rires) C'est difficile à dire parce qu'ils sont encore tout jeunes. Ce qui est certain, cependant, c'est que ce sont eux les véritables digital natives, ils sont nés avec un iPad dans la main et ont donc toujours baigné dans le monde numérique, à la différence des Y qui ont appris à vivre avec cette nouvelle réalité au fur et à mesure. Ils feront certainement moins d'erreurs que nous, notamment au niveau des nouvelles technologies car Facebook est totalement entré dans leurs mœurs. Ils arriveront ainsi à trouver facilement un compromis entre leur vie publique et virtuelle. En fait, je pense qu'ils seront encore plus ingérables que nous, qu'ils auront encore moins envie de se faire chier que nous! (rires)
 
«La Génération Y par elle-même, Quand les 18-30 réinventent la vie», Myriam Levain et Julia Tissier, aux éditions François Bourin Editeur.
 

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